ADJANI : MARGUERITE OU LE DESENCHANTEMENT AMOUREUX Propos recueillis par Armelle Heliot et Marion Thebaud
Robert Hossein -
Isabelle Adjani - Alfredo Arias LE FIGARO : Pourquoi avoir choisi, pour votre retour au théâtre, la Dame aux Camélias ? ISABELLE ADJANI : C'est Robert Hossein qui en a eu l'idée. Il était enthousiasmé quand il m'a parlé de ce projet. Il voulait inaugurer sa direction artistique à Marigny avec cette pièce et il m'a dit : "Tu n'as pas le droit de refuser le rôle de Marguerite Gautier"; ça m'a fait rire et j'ai accepté en cinq minutes. La Dame aux camélias est une légende et Marguerite Gautier est devenue un personnage mythique. Comme tous les mythes, il tire sa force de sa beauté et de sa modernité, de son sens universel et toujours actuel. C'est peut-être pour cela que le roman est plus fort que la pièce, datée, d'Alexandre Dumas fils, puisqu'il l'avait adaptée aux goûts théâtraux de l'époque, privilégiant la pompe tragique aux dépens de l'histoire d'amour entre Armand et Marguerite. LE FIGARO : Vous avez d'ailleurs demandé à René de Ceccatty de relire le roman et d'adapter la pièce. Qu'en a -t-il fait ? ISABELLE ADJANI : Comme le dit Alfredo Arias, René est en quelque sorte un spécialiste du désenchantement de l'amour. Il a écrit son adaptation à partir du roman en s'attachant à l'essentiel : la passion qui est le thème majeur de l'uvre. En recentrant la tension dramatique sur la passion entre Marguerite et Armand, il épure les conditions de son désenchantement. Le décorum est abandonné au profit de la profondeur et de l'intériorité, même si les décors et les costumes joueront un vrai rôle dans la mise en scène d'Alfredo Arias. LE FIGARO : Cette femme qui aime et meurt peut vous rappeler La Reine Margot. Est-ce cela qui vous a séduite ? ISABELLE ADJANI : Margot ne meurt pas, c'est son amant. Dans La Dame aux camélias, c'est l'intensité amoureuse qui se dégage du romantisme amoureux vécu dans le désenchantement et l'urgence... LE FIGARO : En quoi ce personnage est-il contemporain ? ISABELLE ADJANI : Il est intemporel. L'adaptation a permis de faire émerger toute l'émotion et le pouvoir d'évocation contenu dans le rôle de Marguerite. Quand j'ai terminé de lire l'adaptation, j'ai pensé qu'il était inimaginable que quelqu'un qui a vécu des moments douloureux en amour ne reconnaisse pas dans certains moments de la pièce des épisodes de sa propre vie. LE FIGARO : Cette femme, hantée par le temps qui passe parce que la mort est au bout du chemin, vous est-eIIe proche ? ISABELLE ADJANI : Je pourrais vous répondre après un certain nombre de répétitions. Pour le moment je ne sais rien. C'est sur le plateau que je vais apprendre à connaître vraiment Marguerite et son monde. En travaillant. J'aime beaucoup ce moment des répétitions. Si on me demandait de répéter un an, je serais ravie. LE FIGARO : Parce que vous avez peur d'affronter la réalité ? ISABELLE ADJANI : Oh non non non ! Pas du tout. J'aime le moment où l'on cherche, où l'on approfondit sa relation au personnage. On n'est jamais au bout de ce travail-là. On pourrait travailler trois mois, partir en vacances, reprendre...retrouver la vie des personnages. Il y a des profondeurs qui sont inépuisables à découvrir. Jouer, ce n'est pas avoir trouvé, mais continuer à chercher car le travail sur le texte n'est jamais terminé. On est bien obligé d'arrêter un jour pour le produire au public et parce qu'on en a envie pour ce public. LE FIGARO : Connaissiez-vous le travail d'Alfredo Arias ? Y a-t-il des spectacles qui vous aient marquée plus que d'autres ? ISABELLE ADJANI : J'ai un souvenir ébloui de La Bête dans la jungle d'après James avec Delphine Seyrig et Sami Frey. Tout était réuni : Duras, les voix exceptionnelles de ces interprètes et l'art d'Arias de rendre unique l'onirisme d'une situation. LE FIGARO : Il était question que vous interprétiez Cléopâtre dans Ie nouvel épisode d'Astérlx produit par CIaude Berri. Où en êtes-vous ? ISABELLE ADJANI : Effectivement Claude Berri, qui peut être un producteur aux idées surprenantes, me l'a proposé. J'ai rencontré Alain Chabat qui va réaliser ce film, il a du talent comme acteur et comme cinéaste et cela m'aurait beaucoup amusée d'être dirigée par lui dans Astérix et Cléopâtre. J'aurais même reçu un cachet mirobolant ! Malgré l'aubaine, j'ai choisi le théâtre, c'est au théâtre que je vais me consacrer dans les mois qui viennent. Et totalement. LE FIGARO : Avez-vous d'autres projets ? ISABELLE ADJANI : Dès les représentations de La Dame aux camélias terminées, je vais tourner plusieurs films à la suite. Et plus tard encore, j'ai un autre projet au théâtre, une création dont je ne peux pas encore parler. Une seule chose est sûre, le travail, et retrouver le cinéma et le théâtre toujours...
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