Extraits de l'interview accordé par Isabelle ADJANI au magazine PHOTO n°310 de mai 1994, à l'occasion de la sortie de la REINE MARGOT et d'une séance photo exceptionnelle réalisée par Richard AVEDON, dont quelques exemples sont présentés ici.
PHOTO : Adjani-Avedon, le choc de deux monstres sacrés. Comment s'est passée cette rencontre ? Isabelle ADJANI : Nous avions déjà travaillé ensemble à Belle-Ile, pour le magazine Egoïste pour des photos essentiellement en noir et blanc. Avedon m'avait prêté la veste de Marilyn en peau de mouton...Avedon est quelqu'un d'extrêmement chaleureux, vivant, jeune, curieux, passionné. Il met en scène et attend que vous incarniez sa vision. Dès que "c'est là", il vous saisit vite et bien... Etes-vous soumise ou rebelle face à l'objectif du maître ? Je n'aime pas l'objectif car il soumet...Dès que j'ai pris conscience de la présence d'un appareil photo, c'est à dire petite fille, j'ai pris la fuite...Ce que j'ai aimé avec Dick est sa manière de manipuler à l'ancienne. Il m'a installée dans son "reflex", puis s'est mis à côté de sa "chambre" avant de me fixer sur sa pellicule. J'avais en face de moi un regard humain qui ne se planquait pas pour m'attraper. Souvent vous privilégiez le noir et blanc. Pourquoi ce choix ? J'aime le noir et blanc, je trouve que c'est la couleur de la vie. J'adorerais tourner en noir et blanc. Vivez-vous la même histoire d'amour avec une caméra que devant un appareil photo ? J'aime bien voir les photos mais, décidément, je n'aime pas les faire ! Surveillez-vous le choix des lumières et des objectifs ? Sur un plateau de cinéma, je connais certains détails techniques mais en photo, rien. Quand je travaille avec des gens de talent, je les laisse faire eux-mêmes après que l'on se soit mis d'accord. Mieux vaut ne pas essayer d'intervenir, pour éviter de troubler, d'embêter tout le monde. Quelles ont vos motivations quand vous acceptez une séance ? La plupart du temps, cela correspond à un événement professionnel. Il y a quelques années, quand j'ai posé pour Avedon, c'était uniquement pour la beauté du geste et du magazine Egoïste. Avedon expose en ce moment à New York au Whitney Museum et c'est là que l'on s'aperçoit que sa photo est un véritable art. Pour moi, figurer dans son art est un privilège... Naturelle, sans artifices, pourriez-vous poser sans vous cacher derrière les mains d'une maquilleuse ? A un point que vous ne le soupçonnez même pas ! Je le fais avec mon ami Marie-François Banier qui, lui, me photographie à la volée sans me demander mon avis...juste pour m'énerver. Parfois, c'est génial. Ca donne ce que ça donne mais il a un regard qui n'appartient qu'à lui. A New York j'ai posé pour André Rau, des photos très natures, faciles, ludiques, normales, dans lesquelles je me sentais normale...J'aime bien. Au cinéma vous interprétez des femmes au caractère fort. N'avez-vous pas peur de perdre votre âme ? La perdre, sûrement pas ! La mettre à l'épreuve, oui. L'âme est faite pour être éprouvée sinon elle n'évolue pas. Les personnages qui vous élèvent spirituellement et humainement ne sont jamais une menace de corruption. La sophistication est-elle votre image de marque ? Ah, non alors ! De temps en temps, je suis obligée de protester. Pourquoi tant de maquillage, de vêtements, de coiffures ? Ce n'est pas moi ! Le regard posé sur vous de l'extérieur est rarement le même que celui qui vous rend à vous-même. A force de tant donner aux objectifs, vous reste-t-il du temps pour les humains ? Il me reste tout mon temps pour la vraie vie et les personnes vraies que j'aime. Marguerite de Navarre a baigné dans une ambiance de meutres et de complots. L'odieuse rumeur qui a couru sur vous il y a quelques années, vous a-t-elle servi pour ce rôle ? L'héritière de cette expérience, c'est Camille Claudel. La princesse Margot -elle n'a jamais été reine- vit dans un monde clos. Elle est inatteignable. C'est l'amour qui la rend vulnérable à l'inattendu. Margot, inhumaine au début devient humaine. C'est ce qu'il faut accepter dans sa vie terrestre pour comprendre le message divin. Du rire aux larmes, déconcertez-vous votre entourage aussi facilement que votre public ? J'ai un fond très solide, je suis très rassurante pour ceux qui ont besoin de moi.
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