PIECE D'ALEXANDRE DUMAS
(copie autorisée. oeuvre du domaine public, libre de droits)
ACTE PREMIER
Boudoir de Marguerite. Paris.
SCÈNE PREMIÈRE
NANINE, travaillant; VARVILLE, assis à la cheminée. On entend un coup de sonnette.
VARVILLE. - On a sonné.
NANINE. - Valentin ira ouvrir.
VARVILLE. - C'est Marguerite sans doute.
NANINE. - Pas encore; elle ne doit rentrer qu'à dix heures et demie, et il est à peine dix heures. (Nichette entre.) Tiens! c'est mademoiselle Nichette.
SCÈNE II
LES MÊMES, NICHETTE
NICHETTE. - Marguerite n'est pas là?
NANINE. - Non, mademoiselle. Vous auriez voulu la voir?
NICHETTE. - Je passais devant sa porte, et je montais pour l'embrasser, mais, puisqu'elle n'y est pas, je m'en vais.
NANINE. - Attendez-la un peu, elle va rentrer.
NICHETTE. - Je n'ai pas le temps, Gustave est en bas. Elle va bien?
NANINE. - Toujours de même.
NICHETTE. - Vous lui direz que je viendrai la voir ces jours-ci. Adieu, Nanine. - Adieu, monsieur.
Elle salue et sort.
SCÈNE III
NANINE, VARVILLE.
VARVILLE. - Qu'est-ce que c'est que cette jeune fille?
NANINE. - C'est Mlle Nichette.
VARVILLE. - Nichette! C'est un nom de chatte, ce n'est pas un nom de femme.
NANINE. - Aussi est-ce un surnom, et l'appelle-t-on ainsi parce qu'avec ses cheveux frisés elle a une petite tête de chatte. Elle a été camarade de Madame, dans le magasin où Madame travaillait autrefois.
VARVILLE. - Marguerite a donc été dans un magasin?
NANINE. - Elle a été lingère.
VARVILLE. - Bah!
NANINE. - Vous l'ignoriez? Ce n'est pourtant pas un secret.
VARVILLE. - Elle est jolie, cette petite Nichette.
NANINE. - Et sage!
VARVILLE. - Mais ce M. Gustave?
NANINE. - Quel M. Gustave?
VARVILLE. - Dont elle parlait et qui l'attendait en bas.
NANINE. - C'est son mari.
VARVILLE. - C'est M. Nichette?
NANINE. - Il n'est pas encore son mari, mais il le sera.
VARVILLE. - En un mot, c'est son amant. Bien. bien! Elle est sage, mais elle a un amant.
NANINE. - Qui n'aime qu'elle, comme elle n'aime et n'a jamais aimé que lui, et qui l'épousera, c'est moi qui vous le dis. Mlle Nichette est une très honnête fille.
VARVILLE, se levant et venant à Nanine. - Après tout, peu m'importe... Décidément, mes affaires n'avancent pas ici.
NANINE. - Pas le moins du monde.
VARVILLE. - Il faut avouer que Marguerite...
NANINE. - Quoi?
VARVILLE. - A une drôle d'idée de sacrifier tout le monde à M. de Mauriac, qui ne doit pas être amusant.
NANINE. - Pauvre homme! C'est son seul bonheur. Il est son père, ou à peu près.
VARVILLE. - Ah! oui. Il y a une histoire très pathétique là-dessus; malheureusement...
NANINE. - Malheureusement?
VARVILLE. - Je n'y crois pas.
NANINE, se levant. - Écoutez, monsieur de Varville, il y a bien des choses vraies à dire sur le compte de Madame; c'est une raison de plus pour ne pas dire celles qui ne le sont pas. Or, voici ce que je puis vous affirmer, car je l'ai vu, de mes propres yeux vu, et Dieu sait que Madame ne m'a pas donné le mot, puisqu'elle n'a aucune raison de vous tromper, et ne tient ni à être bien, ni à être mal avec vous. je puis donc affirmer qu'il y a deux ans Madame, après une longue maladie, est allée aux eaux pour achever de se rétablir. Je l'accompagnais. Parmi les malades de la maison des bains se trouvait une jeune fille à peu près de son âge atteinte de la même maladie qu'elle, seulement atteinte au troisième degré, et lui ressemblant comme une soeur jumelle. Cette jeune fille, c'était Mlle de Mauriac, la fille du duc.
VARVILLE. - Mlle de Mauriac mourut.
NANINE. - Oui.
VARVILLE. - Et le duc, désespéré, retrouvant dans les traits, dans l'âge, et jusque dans la maladie-de Marguerite, l'image de sa fille, la supplia de le recevoir et de lui permettre de l'aimer comme son enfant. Alors, Marguerite lui avoua sa position.
NANINE. - Car Madame ne ment jamais.
VARVILLE. - Naturellement! Et, comme Marguerite ne ressemblait pas à Mlle de Mauriac autant au moral qu'au physique, le duc lui promit tout ce qu'elle voudrait, si elle consentait à changer d'existence, ce. à quoi s'engagea Marguerite, qui, naturellement encore, de retour à Paris, se garda bien de tenir sa parole; et le duc, comme elle ne lui rendait que la moitié de son bonheur, a retranché la moitié du revenu; si bien qu'aujourd'hui elle a cinquante mille francs de dettes.
NANINE. - Que vous offrez de payer; mais on aime mieux devoir de l'argent à d'autres que de vous devoir de la reconnaissance, à vous.
VARVILLE. - D'autant plus que M. le comte de Giray est là.
NANINE. - Vous êtes insupportable! Tout ce que je puis vous dire c'est que l'histoire du duc est vraie, je vous en donne ma parole. Quant au comte, c'est un ami.
VARVILLE. - Prononcez donc mieux.
NANINE. - Oui, un ami! Quelle mauvaise langue vous êtes!.Mais on sonne. C'est Madame. Faut-il lui répéter tout ce que vous avez dit?
VARVILLE. - Gardez-vous-en bien!
SCÈNE IV
LES MÊMES, MARGUERITE
MARGUERITE, à Nanine. - Va dire qu'on nous prépare à souper; Olympe et Saint-Gaudens vont venir; je les ai rencontrés à l'Opéra, (A Varville.) Vous voilà, vous!
Elle va s'asseoir à la cheminée.
VARVILLE. - Est-ce que ma destinée n'est pas de vous attendre?
MARGUERITE. - Est-ce que ma destinée à moi est de vous voir?
VARVILLE. - Jusqu'à ce que vous me défendiez votre porte, je viendrai.
MARGUERITE. - En effet, je ne peux pas rentrer une fois sans vous trouver là. Qu'est-ce que vous avez encore à me dire?
VARVILLE. - Vous le savez bien.
MARGUERITE. - Toujours la même chose! Vous êtes monotone, Varville.
VARVILLE. - Est-ce ma faute si je vous aime?
MARGUERITE. - La bonne raison! Mon cher, s'il me fallait écouter tous ceux qui m'aiment, je n'aurais seulement pas le temps de dîner. Pour la centième fois, je vous le répète, vous perdez votre temps. Je vous laisse venir ici à toute heure, entrer quand je suis là, m'attendre quand je suis sortie, je ne sais pas trop pourquoi; mais, si vous devez me parier sans cesse de votre amour, je vous consigne.
VARVILLE. - Cependant, Marguerite, l'année passée, à Bagnères, vous m'aviez donné quelque espoir.
MARGUERITE. - Ah! mon cher, c'était à Bagnères, j'étais malade, je M'ennuyais. Ici, ce n'est pas la même chose; je me porte mieux, et je ne m'ennuie plus.
VARVILLE. - Je conçois que lorsqu'on est aimée du duc de Mauriac...
MARGUERITE. - Imbécile!
VARVILLE. - Et qu'on aime M. de Giray...
MARGUERITE. - Je suis libre d'aimer qui je veux, cela ne regarde personne, vous moins que tout autre; et si vous n'avez pas autre chose à dire, je vous le répète, allez-vous-en. (Varville se promène.) Vous ne voulez pas vous en aller?
VARVILLE. - Non!
MARGUERITE. - Alors, mettez-vous au piano: le piano, c'est votre seule qualité.
VARVILLE - Que faut-il jouer?
Nanine rentre pendant qu'il prélude.
MARGUERITE. - Ce que vous voudrez.
SCÈNE V
LES MÊMES, NANINE
MARGUERITE. - Tu as commandé le souper?
NANINE. - Oui, Madame.
MARGUERITE, s'approchant de Varville. - Qu'est-ce que vous jouez là, Varville?
VARVILLE. - Une rêverie de Rosellen.
MARGUERITE. - C'est très joli!...
VARVILLE. - Écoutez, Marguerite, j'ai quatre-vingt mille francs de rente.
MARGUERITE. - Et moi, j'en ai cent. (A Nanine.) As-tu vu Prudence?
NANINE. - Oui. Madame.
MARGUERITE. - Elle viendra ce soir?
NANINE. - Oui, Madame, en rentrant... Mlle Nichette est venue aussi.
MARGUERITE - Pourquoi n'est-elle pas restée?
NANINE. - M. Gustave l'attendait en bas.
MARGUERITE. - Chère petite!
NANINE. - Le docteur est venu.
MARGUERITE. - Qu'a-t-il dit?
NANINE. - Il a recommandé que Madame se reposât.
MARGUERITE. - Ce bon docteur! Est-ce tout?
NANINE. - Non, Madame; on a apporté un bouquet.
VARVILLE. - De ma part.
MARGUERITE, prenant le bouquet. - Roses et lilas. blanc. Mets ce bouquet dans ta chambre, Nanine
Nanine sort.
VARVILLE, cessant de jouer du piano. - Vous n'en voulez pas?
MARGUERITE. - Comment m'appelle-t-on?
VARVILLE. - Marguerite Gautier.
MARGUERITE. - Quel surnom m'a-t-on donné?
VARVILLE. - Celui de la Dame aux Camélias.
MARGUERITE. - Pourquoi?
VARVILLE. - Parce que vous ne portez jamais que ces fleurs.
MARGUERITE. - Ce qui veut dire que je n'aime que celles-là, et qu'il est inutile de m'en envoyer d'autres. Si vous croyez que je ferai une exception pour vous, vous avez tort. Les parfums me rendent malade.
VARVILLE. - Je n'ai pas de bonheur. Adieu, Marguerite.
MARGUERITE. - Adieu!
SCÈNE VI
LES MÊMES, OLYMPE, SAINT-GAUDENS, NANINE
NANINE, rentrant. - Madame, voici Mlle Olympe et M. Saint-Gaudens.
MARGUERITE. - Arrive donc, Olympe! j'ai cru que tu ne viendrais plus.
OLYMPE - C'est la faute de Saint-Gaudens.
SAINT-GAUDENS. - C'est toujours ma faute. - Bonjour, Varville.
VARVILLE. - Bonjour, cher ami.
SAINT-GAUDENS. - Vous soupez avec nous?
MARGUERITE. - Non, non.
SAINT-GAUDENS, à Marguerite.. - Et vous, chère enfant, comment allez-vous?
MARGUERITE. - Très bien.
SAINT-GAUDENS. - Allons, tant mieux! Va-t-on s'amuser ici?
OLYMPE. - On s'amuse toujours où vous êtes.
SAINT-GAUDENS. - Méchante! - Ah! ce cher Varville, qui ne soupe pas avec nous, cela me fait une peine affreuse. (A Marguerite.) En passant devant la Maison d'Or, j'ai dit qu'on apporte des huîtres et un certain vin de Champagne qu'on, ne donne qu'à moi. Il est parfait! il est parfait!
OLYMPE, bas à Marguerite. - Pourquoi n'as-tu pas invité Edmond?
MARGUERITE. - Pourquoi ne l'as-tu pas amené?
OLYMPE. - Et Saint-Gaudens?
MARGUERITE. - Est-ce qu'il n'y est pas habitué?
OLYMPE. - Pas encore, ma chère; à son âge, on prend si difficilement une habitude, et surtout une bonne.
MARGUERITE, appelant Nanine. - Le souper doit être prêt.
NANINE. - Dans cinq minutes, Madame. Où faudra-t-il servir? Dans la salle à manger?
MARGUERITE. - Non, ici; nous serons mieux. - Eh bien, Varville, vous n'êtes pas encore parti?
VARVILLE. - Je pars.
MARGUERITE, à la fenêtre, appelant. - Prudence!
OLYMPE. - Prudence demeure donc en face?
MARGUERITE. - Elle demeure même dans la maison, tu le sais bien, presque toutes nos fenêtres. correspondent. Nous ne sommes séparées que. par une petite cour; c'est très commode, quand j'ai besoin d'elle.
SAINT-GAUDENS. - Ah çà! quelle est sa position, à Prudence?
OLYMPE. - Elle est modiste.
MARGUERITE. - Et il n'y a que moi qui lui achète des chapeaux.
OLYMPE. - Que tu ne mets jamais.
MARGUERITE. - Ils sont affreux! mais ce n'est pas une mauvaise femme, et elle a besoin d'argent. (Appelant.) Prudence!
PRUDENCE, du dehors. - Voilà!
MARGUERITE. - Pourquoi ne venez-vous pas, puisque vous êtes rentrée?
PRUDENCE. - Je ne puis pas.
MARGUERITE. - Qui vous en empêche?
PRUDENCE. - J'ai deux jeunes gens chez moi; ils m'ont invitée à souper.
MARGUERITE. - Eh bien, amenez-les souper ici, cela reviendra au même. Comment les nomme-t-on?
PRUDENCE. - Il y en a un que vous connaissez, Gaston Rieux.
MARGUERITE. - Si je le connais! - Et l'autre?
PRUDENCE. - L'autre est son ami.
MARGUERITE. - Cela suffit; alors, arrivez vite... Il fait froid ce soir... (Elle tousse un peu.) Varville, mettez donc du bois dans le feu, on gèle ici; rendez-vous utile, au moins puisque vous ne pouvez pas être agréable.
Varville obéit.
SCÈNE VII
LES MÊMES, GASTON, ARMAND, PRUDENCE, UN DOMESTIQUE
LE DOMESTIQUE, annonçant. - M. Gaston Rieux, M. Armand Duval, Mme Duvernoy.
OLYMPE. - Quel genre! Voilà comme on annonce ici?
PRUDENCE. - Je croyais qu'il y avait du monde.
SAINT-GAUDENS. - Mme Duvernoy commence ses politesses.
GASTON, cérémonieusement à Marguerite. - Comment allez-vous, madame?
MARGUERITE, même jeu. - Bien; et vous, monsieur?
PRUDENCE. - Comme on se parle ici!
MARGUERITE. - Gaston est devenu un homme du monde; et, d'ailleurs, Eugénie m'arracherait les yeux, si nous nous parlions autrement.
GASTON. - Les mains d'Eugénie sont trop petites, et vos yeux sont trop grands.
PRUDENCE. - Assez de marivaudage.. Ma chère Marguerite, permettez-moi de vous présenter M. Armand Duval (Armand et Marguerite se saluent), l'homme de Paris qui est le plus amoureux de vous.
MARGUERITE, à Prudence. - Dites qu'on mette deux couverts de plus, alors; car je crois que cet amour-là n'empêchera pas Monsieur de souper.
Elle tend sa main à Armand, qui la lui baise.
SAINT-GAUDENS, à Gaston, qui est venu au-devant de lui. - Ah! ce cher Gaston! que je suis aise de le voir!
GASTON. - Toujours jeune, mon vieux Saint-Gaudens.
SAINT-GAUDENS. - Mais oui.
GASTON. - Et les amours?
SAINT-GAUDENS, montrant Olympe.. - Vous voyez.
GASTON. - Je vous fais mon compliment.
SAINT-GAUDENS. - J'avais une peur épouvantable de trouver Amanda ici.
GASTON. - Cette pauvre Amanda! Elle vous aimait bien!
SAINT-GAUDENS. - Elle m'aimait trop. Et puis il y avait un jeune homme qu'elle ne pouvait cesser de voir: c'était le banquier. (Il rit.) Je risquais de lui faire perdre sa position! J'étais l'amant de coeur. Charmant! Mais il fallait se cacher dans les armoires, rôder dans les escaliers, attendre...
GASTON. - Ce qui vous donnait des rhumatismes.
SAINT-GAUDENS. - Non, mais le temps change. Il faut que jeunesse se passe. Ce pauvre Varville qui me soupe pas avec nous, cela me fait une peine affreuse.
GASTON, se rapprochant de Marguerite. - Il est superbe!
MARGUERITE. - Il n'y a que les vieux qui ne vieillissent plus.
SAINT-GAUDENS, à Armand, qu'Olympe lui présente.. - Est-ce que vous êtes parent, monsieur, de M. Duval, receveur général?
ARMAND. - Oui, monsieur, c'est mon père. Le connaîtriez-vous?
SAINT-GAUDENS. - Je l'ai connu autrefois, chez la baronne de Nersay, ainsi que Mme Duval, votre mère, qui était une bien belle et bien aimable personne.
ARMAND. - Elle est morte, il y a trois ans.
SAINT-GAUDENS. - Pardonnez-moi, monsieur. de vous. avoir rappelé, ce chagrin.
ARMAND. - On peut toujours me rappeler ma mère. Les grandes et pures affections ont cela de beau, qu'après le bonheur de les avoir éprouvées, il reste le bonheur de s'en souvenir.
SAINT-GAUDENS. - Vous êtes fils unique?
ARMAND. - J'ai une soeur.
Ils s'en vont causer en se promenant dans le fond du théâtre.
MARGUERITE, bas, à Gaston. - Il est charmant, votre ami.
GASTON. - Je le crois bien! Et, de plus, il a pour vous un amour extravagant; n'est-ce pas, Prudence?
PRUDENCE. - Quoi?
GASTON. - Je disais à Marguerite qu'Armand est fou d'elle.
PRUDENCE. - Il ne ment. pas; vous ne pouvez pas vous douter de et que c'est.
GASTON. - Il vous aime, ma chère, à ne pas oser vous le dire.
MARGUERITE, à Varville, qui joue toujours du piano. - Taisez-vous donc, Varville.
VARVILLE. - Vous me dites toujours de jouer du piano.
MARGUERITE. - Quand je suis seule avec vous; mais, quand il y a monde, non!
OLYMPE. - Qu'est-ce qu'on dit là, tout bas?
MARGUERITE. - Écoute, et tu le sauras.
PRUDENCE, bas. - Et cet amour dure depuis deux ans.
MARGUERITE. - C'est déjà un vieillard que cet amour-là.
PRUDENCE. - Armand passe sa vie chez Gustave et chez Nichette pour entendre parler de vous.
GASTON. - Quand vous avez été malade, il y a un an, avant de partir pour Bagnères, pendant les trois mois que vous êtes restée au lit, on vous a dit que, tous les jours, un jeune homme venait savoir de vos nouvelles, sans dire son nom.
MARGUERITE. - Je me rappelle...
GASTON. - C'était lui.
MARGUERITE. - C'est très gentil, cela. (Appelant.) Monsieur Duval!
ARMAND. - Madame?....
MARGUERITE. - Savez-vous ce qu'on me dit.? On me dit, que, pendant que j'étais malade, vous êtes venu tous les jours savoir de mes nouvelles.
ARMAND. - C'est la vérité, madame.
OLYMPE. - La belle occupation!
PRUDENCE, montrant un plat. - Quelles sont ces petites bêtes?
GASTON. - Des perdreaux.
PRUDENCE. - Donne-m'en un.
GASTON. - Il ne lui faut qu'un perdreau à la fois. Quelle belle fourchette! C'est peut-être elle qui a ruiné Saint-Gaudens.
PRUDENCE. - Elle! elle! Est-ce ainsi qu'on parle à une femme? De mon temps....
GASTON. - Ah! il va être question de Louis XV. - Marguerite, versez du vin à Armand; il est triste comme une chanson à boire.
MARGUERITE. - Allons, monsieur Armand, à ma santé.
TOUS - A la santé de Marguerite!
PRUDENCE. - A propos de chanson à boire, si l'on en chantait une en buvant?
GASTON. - Toujours les vieilles traditions. Je suis sûr que Prudence a eu une passion dans le Caveau.
PRUDENCE. - C'est bon! c'est bon!
GASTON. - Toujours chanter en soupant, c'est absurde.
PRUDENCE. - Moi, j'aime ça; ça égaye. Allons, Marguerite, chantons la chanson de Philogène; un poète qui fait des....
GASTON. - Qu'est-ce que tu veux qu'il fasse?.
PRUDENCE. - Mais qui fait des vers à Marguerite, c'est sa spécialité. Allons, la chanson!
GASTON. - Je proteste au nom de toute notre génération.
PRUDENCE. - Qu'on vote! (Tous lèvent la main, excepté Gaston.) La chanson est votée. Gaston, donne le bon exemple aux minorités.
GASTON. - Soit. Mais je n'aime, pas les vers de Philogène, je le connais. J'aime mieux chanter, puisqu'il le faut.
Il chante.
Il est un ciel que Mahomet
Offre par ses apôtres.
Mais les plaisirs qu'il nous promet
Ne valent pas les nôtres.
Ne croyons à rien
Qu'à ce qu'on tient bien
Et pour moi je préfère
A ce ciel douteux
L'éclair de deux yeux
Reflété dans mon verre.
Dieu fit l'amour et le vin bons,
Car il aimait la terre.
On dit parfois que nous vivons
D'une façon légère.
On dit ce qu'on veut,
On fait ce qu'on peut,
Fi du censeur sévère
Pour qui tout serait
Charmant, s'il voyait
A travers notre verre!
GASTON, se rasseyant. - C'est pourtant vrai, que la vie est gaie et que Prude est grasse.
OLYMPE. - Il y a trente ans que c'est comme ça.
PRUDENCE. - Il faut en finir avec cette plaisanterie. Quel âge crois-tu que j'ai?
OLYMPE. - Je crois que tu as quarante ans bien sonnés.
PRUDENCE. - Elle est bonne encore avec ses quarante ans! J'ai eu trente-cinq ans l'année dernière.
GASTON. - Ce qui t'en fait déjà trente-six. Eh bien, tu n'en parais pas plus de quarante, parole d'honneur!
MARGUERITE. - Dites donc, Saint-Gaudens, à propos d'âge, on m'a raconté une histoire sur votre compte.
OLYMPE. - Et à moi aussi...
SAINT-GAUDENS. - Quelle histoire?
MARGUERITE. - Il est question d'un fiacre jaune.
OLYMPE. - Elle est vraie, ma chère.
PRUDENCE. - Voyons l'histoire du fiacre jaune!
GASTON. - Oui, mais laissez-moi aller me mettre à côté de Marguerite; je m'ennuie à côté de Prudence.
PRUDENCE. - Quel gaillard bien élevé!
MARGUERITE. - Gaston, tâchez de rester tranquille.
SAINT-GAUDENS. - Oh! l'excellent souper!
OLYMPE. - Je le vois venir, il veut esquiver l'histoire du fiacre...
MARGUERITE. - Jaune!
SAINT-GAUDENS. - Oh! cela m'est bien égal.
OLYMPE. - Eh bien, figurez-vous que Saint-Gaudens était amoureux d'Amanda.
GASTON. - Je suis trop ému, il faut que j'embrasse Marguerite.
OLYMPE. - Mon cher, vous êtes insupportable!
GASTON. - Olympe est furieuse, parce que je lui ai fait manquer son effet.
MARGUERITE. - Olympe a raison. Gaston est aussi ennuyeux que Varville, on va le mettre à la petite table, comme les enfants qui ne sont pas sages.
OLYMPE. - Oui, allez vous mettre là-bas.
GASTON. - A la condition qu'à la fin les dames m'embrasseront.
MARGUERITE. - Prudence fera la quête et vous embrassera pour nous toutes.
GASTON. - Non pas, non pas, je veux que vous m'embrassiez vous-mêmes.
OLYMPE. - C'est bon, on vous embrassera; allez vous asseoir et ne dites rien. - Un jour, ou plutôt un soir...
GASTON, jouant Malbrouck sur le piano. - Il est faux, le piano.
MARGUERITE. - Ne lui répondons plus.
GASTON. - Elle m'ennuie, cette histoire-là.
SAINT-GAUDENS. - Gaston a raison.
GASTON. - Et puis qu'est-ce qu'elle prouve, votre histoire, que je connais et qui est vieille comme Prudence? Elle prouve que Saint-Gaudens a suivi à pied un fiacre jaune dont il a vu descendre Agénor à la porte d'Amanda; elle prouve qu'Amanda trompait Saint-Gaudens. Comme c'est neuf! Qui est-ce qui n'a pas été trompé? On sait bien qu'on est toujours trompé pas, ses amis et ses maîtresses; et ça finit sur l'air du Carillon de Dunkerque.
Il joue le carillon sur le piano.
SAINT-GAUDENS. - Et je savais aussi bien qu'Amanda me trompait avec Agénor que je sais qu'Olympe me trompe avec Edmond.
MARGUERITE. - Bravo, Saint-Gaudens! Mais Saint-Gaudens est un héros! Nous allons être toutes folles de Saint-Gaudens! Que celles qui sont folles de Saint-Gaudens lèvent la main. (Tout le monde lève la main.) Quelle unanimité! Vive Saint-Gaudens! Gaston, jouez-nous de quoi faire danser Saint-Gaudens.
GASTON. - Je ne sais qu'une polka.
MARGUERITE. - Eh bien, va pour une polka! Allons, Saint-Gaudens et Armand, rangez la table.
PRUDENCE. - Je n'ai pas fini, moi.
OLYMPE. - Messieurs, Marguerite a dit Armand tout court.
GASTON, jouant. - Dépêchez-vous; voilà le passage où je m'embrouille.
OLYMPE. - Est-ce que je vais danser avec Saint-Gaudens, moi?
MARGUERITE. - Non; moi, je danserai avec lui. - Venez mon Petit Saint-Gaudens, venez!
OLYMPE. - Allons, Armand, allons!
Marguerite polke un moment et s'arrête tout à coup.
SAINT-GAUDENS. - Qu'est-ce que vous avez?
MARGUERITE. - Rien. J'étouffe un peu.
ARMAND, s'approchant d'elle. - Vous souffrez, madame?
MARGUERITE. - Oh! ce n'est rien; continuons. Gaston joue de toutes ses forces, Marguerite essaye de nouveau et s'arrête encore.
ARMAND. - Tais-toi donc! Gaston.
PRUDENCE. - Marguerite est malade.
MARGUERITE, suffoquée. - Donnez-moi un verre d'eau.
PRUDENCE. - Qu'avez-vous?
MARGUERITE. - Toujours la même chose. Mais ce n'est rien, je vous le répète. Passez de l'autre côté, allumez un cigare; dans un instant, je suis à vous.
PRUDENCE. - Laissons-la; elle aime mieux être seule quand ça lui arrive.
MARGUERITE. - Allez, je vous rejoins.
PRUDENCE. - Venez! (A part.) Il n'y a pas moyen de s'amuser une minute ici.
ARMAND. - Pauvre fille!
Il sort avec les autres.
SCÈNE IX
MARGUERITE, seule, essayant de reprendre sa respiration.
Ah! ... (Elle se regarde dans la glace.) Comme je suis pâle!... Ah!...
Elle met sa tête dans ses mains et appuie ses coudes sur la cheminée.
SCÈNE X
MARGUERITE, ARMAND.
ARMAND, rentrant. - Eh bien, comment allez-vous, madame?
MARGUERITE. - Vous, monsieur Armand! Merci, je vais mieux... D'ailleurs, je suis accoutumée...
ARMAND. - Vous vous tuez! Je voudrais être votre ami, votre parent, pour vous empêcher de vous faire mal ainsi.
MARGUERITE. - Vous n'y arriveriez pas. - Voyons, venez! Mais qu'avez-vous?
ARMAND. - Ce que je vois...
MARGUERITE. - Ah! vous êtes bien bon! Regardez les autres, s'ils s'occupent de moi.
ARMAND. - Les autres ne vous aiment pas comme je vous aime.
MARGUERITE. - C'est juste; j'avais oublié ce grand amour.
ARMAND. - Vous en riez?
MARGUERITE. - Dieu m'en garde! j'entends tous les jours la même chose;je n'en ris plus.
ARMAND. - Soit; mais cet amour vaut bien une promesse de votre part.
MARGUERITE. - Laquelle?
ARMAND. - Celle de vous soigner.
MARGUERITE. - Me soigner! Est-ce que c'est possible?
ARMAND. - Pourquoi pas?
MARGUERITE. - Mais, si je me soignais, je mourrais, mon cher. Ce qui me soutient, c'est la vie fiévreuse que je mène. Puis, se soigner, c'est bon pour les femmes du monde qui ont une famille et des amis; mais, nous, dès que nous ne pouvons plus servir au plaisir ou à la vanité de personne, on nous abandonne, et les longues soirées succèdent aux longs jours; je le sais bien, allez; j'ai été deux mois dans mon lit: au bout de trois semaines, personne ne venait plus me voir.
ARMAND. - Il est vrai que je ne vous suis rien, mais, si vous vouliez, Marguerite, je vous soignerais comme un frère, je ne vous quitterais pas et je vous guérirais. Alors, quand vous en auriez la force, vous reprendriez la vie que vous menez, si bon vous semble; mais, j'en suis sûr, vous aimeriez mieux alors une existence tranquille.
MARGUERITE. - Vous avez le vin triste.
ARMAND. - Vous n'avez donc pas de coeur, Marguerite?
MARGUERITE. - Le coeur! C'est la seule chose qui fasse faire naufrage dans la traversée que je fais. (Un temps.) C'est donc sérieux?
ARMAND. - Très sérieux.
MARGUERITE. - Prudence ne m'a pas trompée alors, quand elle m'a dit que vous étiez sentimental. Ainsi, vous me soigneriez?
ARMAND. - Oui!
MARGUERITE. - Vous resteriez tous les jours auprès de moi?
ARMAND. - Tout le temps que je ne vous ennuierais pas.
MARGUERITE. - Et vous appelez cela?
ARMAND. - Du dévouement.
MARGUERITE. - Et d'où vient ce dévouement?
ARMAND. - D'une sympathie irrésistible que j'ai pour vous.
MARGUERITE. - Depuis?
ARMAND. - Depuis deux ans, depuis un jour où je vous ai vue passer devant moi, belle, fière, souriante. Depuis ce jour, j'ai suivi de loin et silencieusement votre existence.
MARGUERITE. - Comment se fait-il que vous ne me disiez cela qu'aujourd'hui?
ARMAND - Je ne vous connaissais pas, Marguerite.
MARGUERITE - Il fallait faire connaissance. Pourquoi, lorsque j'ai été malade et que vous êtes si assidûment venu savoir de mes nouvelles, pourquoi n'avez-vous pas monté ici?
ARMAND. - De quel droit aurais-je monté chez vous?
MARGUERITE. - Est-ce qu'on se gêne avec une femme comme moi?
ARMAND. - On se gêne toujours avec une femme... Et puis...
MARGUERITE. - Et puis?
ARMAND. - J'avais peur de l'influence que vous pouviez prendre sur ma vie.
MARGUERITE. - Ainsi vous êtes amoureux dé moi!
ARMAND, la regardant et la voyant rire. - Si je dois vous le dire, ce n'est pas aujourd'hui.
MARGUERITE. - Ne me le dites jamais.
ARMAND. - Pourquoi?
MARGUERITE. - Parce qu'il ne peut résulter que deux choses de cet aveu : ou que je n'y croie pas, alors vous m'en voudrez; ou que j'y croie, alors vous aurez une triste société, celle d'une femme nerveuse, malade, triste, ou gaie d'une gaieté plus triste que le chagrin. Une femme qui dépense cent mille francs par an, c'est bon pour un vieux richard comme le duc, mais c'est bien ennuyeux pour un jeune homme comme vous. Allons, nous disons là des enfantillages! Donnez-moi la main et rentrons dans la salle à manger; on ne doit pas savoir ce que notre absence veut dire.
ARMAND. - Rentrez si bon vous semble: moi, je vous demande la permission de rester ici.
MARGUERITE. - Parce que?
ARMAND. - Parce que votre gaieté me fait mal.
MARGUERITE. - Voulez-vous que je vous donne un conseil?
ARMAND. - Donnez.
MARGUERITE. - Prenez la poste et sauvez-vous, si ce que vous me dites est vrai; ou bien aimez-moi comme un bon ami, mais pas autrement. Venez me voir, nous rirons, nous causerons; niais ne vous exagérez pas ce que je vaux, car je ne vaux pas grand-chose. Vous avez un bon coeur, vous avez besoin d'être aimé; vous êtes trop jeune et trop sensible pour vivre dans notre monde; aimez une autre femme, ou mariez-vous. Vous voyez que je suis bonne fille, et que je vous parle franchement.
SCÈNE XI
LES MÊMES, PRUDENCE
PRUDENCE, entrouvrant la porte. - Ah çà! que diable faites-vous là?
MARGUERITE. - Nous parlons raison; laissez-nous un peu; nous vous rejoindrons tout à l'heure.
PRUDENCE. - Bien, bien; causez, mes enfants.
SCÈNE XII
MARGUERITE, ARMAND.
MARGUERITE. - Ainsi, c'est convenu, vous ne m'aimez plus?
ARMAND. - Je suivrai votre conseil, je partirai.
MARGUERITE. - C'est à ce point-là?
ARMAND. - Oui.
MARGUERITE. - Que de gens m'en ont dit autant, qui ne sont pas partis.
ARMAND. - C'est que vous les avez retenus.
MARGUERITE. - Ma foi, non!
ARMAND. - Vous n'avez donc jamais aimé personne?
MARGUERITE. - Jamais, grâce à Dieu!
ARMAND. - Oh! je vous remercie!
MARGUERITE. - De quoi?
ARMAND. - De ce que vous venez de, me dire; rien ne pouvant me rendre plus heureux.
MARGUERITE. - Quel original!
ARMAND. - Si je vous disais, Marguerite, que j'ai passé des nuits entières, sous vos fenêtres, que je garde depuis six. mois un bouton tombé de votre gant.
MARGUERITE. - Je ne vous croirais pas.
ARMAND. - Vous avez raison, je suis un fou, riez de moi c'est ce qu'il y a de mieux à faire... Adieu.
MARGUERITE. - Armand!
ARMAND. - Vous me rappelez?
MARGUERITE. - Je ne veux Pas Vous voir partir fâché.
ARMAND. - Fâché contre vous, est-ce possible?
MARGUERITE. - Voyons, dans tout ce que vous me dites, y a-t-il un peu de vrai?
ARMAND. - Vous me le demandez?
MARGUERITE. - Eh bien, donnez-moi une poignée de main, venez me voir quelquefois, souvent; nous en reparlerons.
ARMAND. - C'est trop, et ce n'est pas assez.
MARGUERITE. - Alors, faites votre carte vous-même, demandez ce que vous voudrez puisque, à ce qu'il parait, je vous dois quelque chose.
ARMAND. - Ne parlez pas ainsi. je ne veux plus vous voir rire avec ces choses sérieuses.
MARGUERITE. - Je ne ris plus.
ARMAND. - Répondez-moi.
MARGUERITE. - Voyons.
ARMAND. - Voulez-vous être aimée?
MARGUERITE. - C'est selon. Par qui?
ARMAND. - Par moi.
MARGUERITE. - Après?
ARMAND. - Être aimée d'un amour profond, éternel?
MARGUERITE. - Éternel?...
ARMAND. - Oui.
MARGUERITE. - Et, si je vous crois tout de suite, que direz-vous de moi?
ARMAND, avec passion. - Je dirai...
MARGUERITE. - Vous direz de moi ce que tout le monde en dit. Qu'importe! puisque j'ai à vivre moins longtemps que autres, il faut bien que je vive plus vite. Mais tranquillisez-vous, si éternel que soit votre amour et si peu de temps que j'aie à vivre, je vivrai encore plus longtemps que vous ne m'aimerez.
ARMAND. - Marguerite!...
MARGUERITE. - En attendant, vous êtes ému, votre voix est sincère, vous êtes convaincu de ce que vous dites; tout cela mérite quelque chose... Prenez cette fleur.
Elle lui donne un camélia.
ARMAND. - Qu'en ferai-je?
MARGUERITE. - Vous me la rapporterez..
ARMAND. - Quand?
MARGUERITE. - Quand elle sera fanée.
ARMAND. - Et combien dé temps lui faudra-t-il pour cela?
MARGUERITE. - Mais ce qu'il faut à toute fleur pour se faner, l'espace d'un soir ou d'un matin.
ARMAND. - Ah! Marguerite, que je suis heureux!
MARGUERITE. - Eh bien, dites-moi encore que vous m'aimez.
ARMAND. - Oui, je vous aime!
MARGUERITE - Et maintenant, partez.
ARMAND, s'éloignant à reculons. - Je pars.
Il revient sur ses pas, lui baise une dernière fois la main et sort. Rires et chants dans la coulisse.
SCÈNE XIII
MARGUERITE, puis GASTON, SAINT-GAUDENS, OLYMPE, PRUDENCE.
MARGUERITE, seule et regardant la porte refermer. - Pourquoi pas? - A quoi bon? - Ma vie va et s'use de l'un à l'autre de ces deux mots.
GASTON, entrouvrant la porte. - Choeur des villageois! C'est une heureuse journée! (Il chante.)
Unissons, dans ce beau jour,
Les flambeaux de l'hyménée
Avec les fleurs.
SAINT-GAUDENS. - Vivent M. et Mme Duval!
OLYMPE. - En avant le bal de noces!
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