FEMME

N°105 - DECEMBRE 1996

Extraits des propos d'Isabelle Adjani recueillis par Thierry COLBY
à l'occasion d'une projection privée du film "La chambre tranquille", du réalisateur australien Rolf de Heer.

(english version)

 

Isabelle ADJANI :


Il faut toujours rester dans la parole vraie avec nos enfants et leur expliquer ce qui se passe. J'essaie toujours de faire cela. L'enfant a un inconscient qui se structure à travers la présence parentale et son langage. Les deux premières années de sa vie sont très importantes car c'est là que le langage se construit. La petite fille du film * a 7 ans mais elle devient le médiateur entre ses deux parents. C'est souvent ce qui arrive malheureusement aux enfants.


On devrait tous lire Françoise Dolto avant la naissance d'un bébé, on en apprendrait plus sur la façon de communiquer avec son enfant, même avant la naissance. Elle a révolutionné le monde de la compréhension de l'enfant. C'est vraiment la plus grande praticienne de l'enfance que je connaisse. Elle a sauvé les enfants de ce qui les menace quand les parents ne savent pas. En général, quand on aime son enfant, on trouve la bonne façon de faire, mais si on a des doutes, si on sent qu'on ne trouve pas, c'est qu'on a des problèmes à régler et il faut le faire.


Lorsqu'un couple est séparé, il faut toujours préserver le rapport de l'enfant aux deux parents. Pour moi, c'est très important de respecter la relation que l'autre parent a avec l'enfant. C'est essentiel pour son bon développement. L'enfant n'a pas forcément besoin de la présence physique des deux parents, la maternité et la paternité, ce n'est pas la même chose. Mais il a besoin de rester relié à l'un et à l'autre, au père et à la mère.


Si on peut éviter les séparations, c'est formidable ! Mais si on ne peut toujours être là, ce qui est important, c'est de conserver le lien et si on peut, rester auprès de son enfant, le garder contre soi (c'est souvent compris par les parents comme une entrave à l'autonomisation de l'enfant, ce qui est une erreur), eh bien, il ne faut pas en avoir peur, au contraire.


Nos enfants, en tous cas jusqu'à 4 ans, ont besoin d'être rassurés par le contact physique de la mère et aussi que soit en place pour l'enfant ce que représente le père, c'est à dire la loi, s'il est capable de l'assumer en toute sécurité.


Je trouve très dommage qu'aujourd'hui, il soit devenu si simple pour un parent, que ce soit le père ou la mère, d'envisager et de décider de se séparer, sans essayer vraiment d'abord, de former une famille pour et autour de son enfant. Je regarde autour de moi et chez moi, et je suis peinée qu'on soit si nombreux à constituer des familles coupées en deux où le rôle du parent continu et discontinu soit devenu la nouvelle façon d'aimer, comme une mode, et d'élever son enfant.

 

 * La chambre tranquille raconte l'histoire de Marie, 7 ans, qui assiste aux disputes et hurlements perpétuels de ses parents en instance de rupture. Pour elle, les mots deviennent des armes blessantes, alors elle se réfugiera dans le silence, et du fond de sa chambre bleue, observera impuissante, les adultes se détruire.

(Photos 1 et 2 : Isabelle et Gabriel-Kane, ©Paris Match)

 
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